The Police
The Police
The Police |
Tranche de vie – 1979 :
« Vous avez demandé The POLICE? Ne quittez pas ».
On vous offre Outlandos d’Amour - 1978 - en cadeau de Noël. Durant l’été 1979, premières vacances avec les copains sans les parents, votre chemin croise celui d’une adorable anglaise. Revenus sur un lieu de villégiature de plein air pratiqué l’année précédente, vous vous êtes déjà croisés. Dégourdis comme un bigoudi, vous vous souvenez en avoir eu l’envie tout en étant certain de ne jamais lui avoir adressé la parole. Il en va autrement cet été-là puisque vous «sortez» ensemble. Elle vous confie sa gourmette en argent que vous vous empressez de perdre en parfait abruti. Les échanges manuscrits qui suivent contiennent bientôt une invitation pour passer Noël en Angleterre, dans sa famille. Vous suppliez vos parents de casser leur tirelire. Ainsi, ils vont vous permettre d’offrir une autre gourmette en remplacement du bijou perdu. Comme elle a un frère plus jeune, vous ne pouvez pas vous présenter sans quelque chose pour lui. «Il se dit que ce groupe va devenir énorme»: The Police. Sans même en avoir entendu une note, vous vous emparez de Reggatta de Blanc – 1979 dans le rayon disques du supermarché. En adjoignant à ces deux présents une bouteille de Morgon pour les parents, vous traversez la mer du Nord dignement. Le soir de Noël, la belle vous offre Outlandos d’amour. Le hasard emprunte des chemins dont seule la police possède la carte.
The Police : So Lonely
A ce moment-là, dans Londres, la mode est encore à l’iroquois. Dans le métro, vous croisez quelques spécimens tatoués de la crête aux pieds qui vous impressionnent grandement. Par contre, dans Outlandos d’amour, le punk est déjà bien loin. S’il faut étiqueter la mixture musicale qui le caractérise on peut parler de reggae blanc ou de rock reggae. So lonely, Roxane, Can’t stand loosing you et, dans une moindre mesure, Hole in my life figurent à merveille le touillage de la pâte. Reggae car ces chansons en caressent l’architecture mais rock car elles s’en éloignent viscéralement. Comparé à une chanson de l’ami Bob et ses Wailers, le reggae des policemen tranche la langueur jamaïcaine à grands coups de guitares rock. Ces dernières ventilent les fumées de ganja venues de Kingston au profit d’une lager à la table d’un pub de l’East End. En parallèle, des titres comme Next to you ou Born in the 50’s ramènent le propos vers une pop rock énergique de facture plus classique. Reste l’interprétation des trois musiciens, dont la voix spécifique de Sting, qualifiable de tout sauf de médiocre. Ces types connaissent leur affaire, ils savent noircir les lignes d’une partition. Et dans cette partition, il n’y a pas (encore) de fausses notes.
The Police : Roxanne
Souvenir de 1979 et de ce que nous appelons maintenant une médiathèque. Pour s’y inscrire, et ainsi emprunter des disques, il fallait ramener le saphir ou diamant de son tourne-disque (pas d’argent pour une «platine»). Après examen de la pointe à la loupe, prévenant ainsi le massacre du disque par un matériel trop usagé, le sésame vous était donné, vous pouviez vous saisir des galettes que vous vouliez écouter. Question: qu’est-il donc advenus de tous ces vinyles lorsque le CD fut venu?
Quel visionnaire-spéculateur a, pour une bouchée de pain, j’en suis certain, tout récupéré? Entre Nounours et Boris Vian, classés alphabétiquement par nom de groupes et année de parution, les vôtres sont restés au chaud dans votre chambre d’adolescent. A la lettre P comme Police, leurs trois premiers Lps rayonnent, allant jusqu’à faire de l’ombre à leurs voisins. Dans l’esprit, il parle d’un temps que les moins de vingt ans se doivent de connaître.
The Police : Can't stand losing you
Je n’ai pas eu personnellement le plaisir de voir The Police dans son jus made in 70’s. Ma première fois est au Stade de France, le 30 septembre 2007. J’ai déjà croisé le live à cet endroit, plus propice à courir derrière un ballon qu’à donner la sérénade, fut-elle électrifiée. J’en suis sorti déçu et dépité, qualifiant l’écoute «d’oreille au coin du transistor». Est-ce une question de sono? Toujours est-il que cette fois-là… ça le fait! D’aucun parle de relevée des compteurs. Si ce n’est le prix des billets et l’aspect Lilliputien des musiciens, fort, fort lointains sur la scène, un relevé de cette qualité, j’en redemande. Musicalement parlant, une énergie mature gicle dans l’arène et le remaniement des chansons à la sauce 2000 est plus qu’enthousiasmant, à des kilomètres de la datation au carbone 14 annoncée. Si, à une époque, ces garçons se sont haïs, cette prestation est tout sourire et l’harmonie générale s’en ressent. Je ne garde pas de souvenirs précis du concert, plutôt une sensation globale de bien être: ambiance et musique. «Vous avez demandé The police? Vous ne quittez pas! »
Thierry Dauge
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