Punkitude - Les Producteurs du DIY - Deuxieme partie

Punkitude - Les Producteurs du DIY - Part II

Punkitude...
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Deuxième partie - Punk et son monde

Le Punk: les anglais ouvrent le banc … réellement? 
Punk est le titre d’un fanzine américain fondé en 1975. Les passionnés qui œuvrent à sa destinée sont les premiers à plébisciter le CBGB comme scène musicale populaire et, surtout, à utiliser le terme de Punk rock  dans ses publications. En fait, il s’agit d’un construit lexical élaboré quelques années plus tôt par les journalistes du magazine Creem. Les médias spécialisés du monde entier s’emparent alors de l’expression pour qualifier les nouveaux groupes associés musicalement à ceux qui sont considérés comme la base du mouvement: Stooges, MC5 et New York Dolls. Un journaliste, célébré pour sa liberté d’esprit, en fera bon usage dans ses chroniques, celui-là même qui figure comme mentor du postulant rock-critick dans le film Almost famous: Lester Bangs. Alors, anglais le Punk? Et bien oui. Dans la petite histoire qui précède, il est question de punk rock. D’où la conclusion suivante: si le punk rock est américain, le punk, lui, est anglais.

Aux States, justement, dès 1976 Ramones synonymise le punk rock. Le 1er Lp des new-yorkais est coproduit par Craig Leone et Tommy Ramones, le premier étant un compositeur arrangeur reconnu qui, outre avoir participé aux destinés sonores des disques de Blondie ou de The Fall, a produit le 1er et polémique biscuit de Suicide. Pour Ramones, le son est rachitique. Un pépiement d’oiseau pour représenter une musique sans fioriture, radicale. Passé l’impression de «pet de loutre», l’auditeur entre dans les pas du groupe. Le minimalisme au service d’une musique bio? 
Un choix tout à fait approprié. Tommy ayant validé cette option, on peut raisonnablement écrire: 
Punk Rock = 1, Producteur = 1/2.

Ramones - Blitzkrieg Bop


Un peu plus à l’Ouest, du côté de Cleveland – Ohio, Dead Boys propose une approche sensiblement différente du genre, tout autant au niveau du son que de la forme. Young loud and snotty, si ce n’est le chant dégingandé de Stiv Bators, pourrait passer pour un disque de hard rock. A la console, on trouve une femme: Genya Ravan. Emigrée polonaise, dont la famille a été décimée par l’Holocauste, elle parvient jusqu’aux States où les 60’s la voient revêtir les traits d’une égérie. Elle chante dans un groupe signé sur ATCO, la filiale rock du label Atlantic records, gage de qualité. Pour ce 1er album des Dead Boys, elle concocte un son percutant, net, sans bavures où les guitares conservent des parties solo, contrairement aux Ramones. Trop heureux d’avoir un 33 dans les bacs, et malgré une réputation de bad boys, il est probable que les musiciens aient laissé la Dame gérer « l’emballage ». 
Punk Rock = 1/2, Productrice = 1. 

Dead Boys - Sonic Reducer


Comptant en son sein deux ex New York Dolls, les toxiques Johnny Thunders et Jerry Nolan, The Heartbreakers sort un album culte au titre élaboré sous forme d’acronyme, pour ne pas choquer: LAMF  (Like a motherfucker). Le son ratatiné de ce disque est une énigme. Qui a osé? Lorsqu’on creuse la légende, on trouve d’abords Mike Thorne sur le projet. On l’a vu précédemment (CF la 1ère Partie de Punkitude), il a produit formidablement le 1er Lp de Wire. Il ne peut donc être à l’origine du ratage. Un autre nom arrive aussitôt: John Speedy Keen, résident d’un groupe de rock puis multi instrumentiste de studio. Musicien compétent, producteur «con pétant»? Peut-être, mais un autre paramètre est à prendre en compte: le mixage final. Il est question d’un Walter Lure, seconde gâchette du combo, mécontent du traitement accordé à son instrument, qui remixe les bandes la nuit, en solo, la veille du mastering. On en restera-là. Subsiste un bouquet de chansons punk mètre étalon. 
Punk = 1, Production = 0.

Johnny Thunders and The Heartbreakers - Chinese Rocks


Television: groupe punk? Groupe punk rock? Quoi qu'il en soit, groupe rock! Quant au son de Marquee Moon… un joyau! A l’origine de la taille, on trouve l’orfèvre Andy Johns. Ce nom vous dit quelque chose? Il est le frère cadet de Glyn Jones, ingénieur du son sur des petites choses comme Led Zeppelin, Jimi Hendrix, The Who, les Stones! Déjà, de ses parents naviguaient autour d’Humble Pye ou de Jack Bruce (ex Cream). Andy Jones, un initié, un homme du sérail ! Lorsqu’on écoute cette perle d’album, on n’en doute pas un instant. Tous les instruments sonnent clairs comme de l’eau de roche. Et Tom Verlaine & Richard Lloyd dans tout ça? Hommes de caractère, il est plus que certain qu’ils ont participé à l’enfantement du bébé. L’osmose de leurs jeux en rythmique ou leurs échanges en solos votent pour. 
Rock (punk rock) = 1, Producteur = 1.

Television - Torn Curtain


Mais il n’y a pas que les USA dans le monde. En 1977, que se passe-t-il du côté de la Tasmanie? Les mèches sont allumées et le punk rock de The Saints alimente le canon. Sur les terres australes, pas besoin de gaz à effet de serre pour perforer la couche d’ozone, (I’m) Stranded tire à boulets rouges sur tout ce qui bouge. Pourtant, le son du vinyle sent l’éteignoir, les instruments sont tout juste définis, les reliefs sont érodés. Ce son voulu est pensé par un des plus grands producteurs australiens: Mark Moffatt, qui émigre à Nashville où il œuvre dans le blues rock par la suite avant d’être nominé aux Grammy Awards (en 2000), associé à une figure du rock local: Rob Coe. (I’m) Stranded fait-il l’unanimité chez les punk’s addicts... Et comment! Preuve que le son n’est pas tout, que l’âme et l’engouement comptent également. Dernier point : l’Australie punk ou punk rock? En tant qu’ancienne colonie britannique: punk! 
Du coup, Punk = 1, et, pour avoir su respecter « l’esprit », Producteur = 1.

The Saints - Stranded


Nous voilà rendu à la conclusion de cette deuxième partie: Punk et son monde
1ère constatation, le décompte des points : 
Punk et/ou Punk Rock = 4 ½, Producteurs = 3 ½. 
Le résultat est identique à celui des anglais. Il semble donc que les apprentis musiciens aient eu les coudées franches pour coucher sur cire ce qui trottait dans leurs instruments. Me pardonnerez-vous si je pense que les producteurs ont quand même joué un rôle déterminant dans le succès qui glorifia le mouvement jusqu’à ce jour? Reste qu’ils sont beaux, qu'ils sont bons ces dix 33 tours passés au laminoir par l’enquêteur. Et dire qu’il en existe des centaines d’autres…  
Nés sous l’étiquette No Futur, et perdurexister quarante ans plus tard… plus qu’une réussite musicale, en musicologie, on appelle ça une part d’Histoire.

Thierry Dauge

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