Lou Reed - Walk on The Wild Side

Walk On The Wild Side de Lou Reed - Sur les traces de la Factory de Warhol

Lou Reed
Lou Reed

Holly, Candy, Little Joe, Sugar Plum Fairy et Jacky... l'air de rien, un portrait Trash des sulfureuses stars warholiennes de la Factory.

Il s'agit du plus gros succès de Lou Reed sorti en 1972 sur l'album Transformer. Sous ses airs de ballade cool et romantique, Walk on the wild Side (en gros, "Sors des sentiers battus",  "fait quelque chose de dingue"...) est en réalité construit comme une projection de l'univers original, décalé, libéré et profondément expérimental de la Factory d'Andy Warhol.
La Factory, souvenez-vous, un local entièrement argenté dans sa première version, situé à New York sur la 47e rue . Une antre de l'utopie artistique ou se succède pendant quelques années une faune assez large d'artistes en tout genre, de personnalités de la Jet Set new-yorkaise et d'illustres inconnus, des peintres, des musiciens, comédiens, transsexuels, gays... avec pour corollaire une totale liberté artistique et sexuelle. On y tournait des films expérimentaux, on y découvrit des expositions de pop-art, on y produisit des concerts (notamment pour le Velvet Underground), et ce fut parfois le temps d'un soir une boîte de nuit ou une salle de projection... Andy Warhol avait d'ailleurs l'habitude de dire qu'on entrait inconnu à la Factory pour en ressortir Superstar.

Tout au long des cinq couplets de Walk on the wild side, Lou Reed dépeint tour à tour les portraits sulfureux de personnages emblématiques de la Factory.
Il y a tout d'abord Holly Woodlawn,  jeune homme prénommé Haroldo, qui quitte son natal Miami FLA à l'âge de 16 ans pour se rendre à New-York en auto-stop. Chemin faisant, il se transforme en femme... Holly est notamment la Star du film "Trash" d'Andy Warhol. L'histoire raconte d'ailleurs que Lou Reed ne connaissait pas Holly lorsqu'il écrivit le texte, l'idée lui aurait été suggérée par Andy Warhol, et la rencontre entre Lou Reed et Holly  Woodlawn fut postérieure au succès de la chanson.

Holly came from Miami FLA,
Hitch-hiked her way across USA,
Plucked her eyebrows on the way,
Shaved her legs and then he was a she,
She says: «Hey babe, take a walk on the wild side»


Holly est venue de Miami en Floride,
Elle a fait du stop à travers les États-Unis,
Elle a arraché ses sourcils sur la route,
Elle a rasé ses jambes, et du coup «il» est devenu un «elle»,
Elle dit: «Chéri, viens faire un tour du côté sauvage».

Au second couplet, c'est Candy, autre figure notoire de la Factory, personnage transsexuel qui fut également la vedette de plusieurs projets cinématographiques de Warhol et du réalisateur Paul Morrissey. C'est elle, Candy, qui ne perdait jamais la tête lorsqu'elle pratiquait des fellations. «Neverlost her head»... «even when she was giving head». C'était d'ailleurs là tout le talent de Lou Reed d'entretenir cette ambiguïté dans le verbe. Un talent d'écriture, suggestif et finement ciselé, qui lui permii non sans humour de braver dans l'ensemble la censure de l'époque.

Lou Reed : Walk on the wild side


Un peu plus loin, nous retrouvons sans doute l'un des plus connus, Little Joe - Joe Dallesandro - acteur bi-sexuel, vedette des films Trash, Heat et Flesh, (a tourné notamment dans "Je t'aime, moi non plus" de Gainsbourg et "Cotton Club" de Francis Ford Coppola). Pour lui, le sexe n'était jamais gratuit... On évoque évidemment la prostitution. Anecdote finalement amusante, en 2012, Frédéric Mitterrand alors ministre de la Culture, le nommera chevalier de l'ordre des Arts et Lettres.

Enfin, Sugar Plum Fairy, alias Joe Campbell est un acteur gay et Jackie, alias John Holder Jr, actrice transgenre, version il ou elle, est une junkie addict aux drogues dures. Les allusions à la vitesse, elle qui s'est pris pour "James Dean for a day" et au crash en voiture, ne sont qu'une allégorie de la descente aux enfers.

Au fond, Walk on the Wild Side est un tour de passe-passe réussi. A la croisée d'une mélodie romantique et entraînante, sur un texte ambivalent chanté par une voix chaude et rassurée, et adroitement conclue par la touche d'un solo saxo de Ronnie Ross (ex prof de musique d'un gamin nommé David Robert Jones, le futur David Bowie), Lou Reed dresse une série de portraits quasi cinématographiques des personnages iconiques de la Factory. Portraits séquentiels, trash et délurés, portant encore aujourd'hui sur les ondes radiophoniques et les réseaux sociaux, le spectre de cet univers unique, délirant, déluré, profondément asocial et parfaitement libéré.

L'album Transformer est une perle dans la discographie de Lou Reed, rien d'étonnant lorsqu'on sait que sa production a été réalisée par David Bowie. L'alchimie des deux grands artistes, qui tour à tour, tout au long de leur histoire, se sont haïs puis aimés, est à l'origine d'un album à classer au rang des productions mythiques et de l'indubitable plus grand succès de Lou Reed, une invite à faire quelque chose de vraiment dingue, " hey honey, take a Walk on the wild side".

Auguste Marshal 



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