Buzzcocks

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Les Sex Pistols, une révélation

Février 1976, deux étudiants de Manchester, fans du Velvet Underground, lisent une chronique du NME intitulée «don't look over your shoulder but the Sex Pistols are coming» («ne vous retournez pas, les Sex Pistols arrivent»). Dans son article, Neil Spencer décrit le concert chaotique d'un jeune groupe qui reprend des titres des Who, Small Faces, Stooges en plus de son propre répertoire, avec une énergie qui ne s'était plus vue depuis les Mods et la scène de Detroit. Howard Trafford et Peter McNeish décident d'aller voir ça de près, ils se rendent à Londres, assistent à deux concerts des Sex Pistols, et il ne leur en faut pas plus pour former leur groupe: Buzzcocks.
Le nom vient d'un article de journal qui titrait «It's the buzz, cock!». Rien à voir avec un sexe qui bourdonne ou un vibromasseur, comme on peut souvent le lire ici et là. En argot de Manchester, «cock» c'est un «pote», un «copain», l'équivalent de «buddy» ou «mate», et l'expression «get the buzz» signifie s'exciter, s'éclater, se lâcher, essentiellement lors d'une fête ou d'un concert. Par conséquent, Buzzcocks fait allusion à des potes qui se lâchent sur scène et non à des «bites qui bourdonnent ».

De retour à Manchester, McNeish s'achète une guitare et devient Shelley, le prénom que ses parents lui auraient donné s'il avait été une fille. Dans une interview datant du début des 90's, il explique que cela lui convenait parfaitement à l'époque, son prénom masculin lié un prénom féminin symbolisait en quelque sorte une bisexualité ambiguë, ne sachant pas s'il aimait les femmes, les hommes ou les deux. Howard Trafford, désormais chanteur, se baptise quant à lui Devoto. Ensemble, ils recrutent deux musiciens, Garth Davies (Smith), basse, et Mick Singleton, batterie et font très vite leur premier concert en avril 1976 dans leur université. Le 4 Juin, ils invitent les Sex Pistols à jouer au Lesser Free Trade Hall de Manchester, une petite salle du Free Trade Hall où ont lieu concerts de musique classique, pièces de théâtre et démonstrations interminables des dinosaures du rock. En panne de batteur, les pauvres Buzzcocks doivent renoncer à faire la première partie qu'ils laissent à un groupe local nommé Solstice.

Sex Pistols - 1976 - Lesser Free Trade Hall



Peu de temps après, Garth Davies quitte le navire. Ils recrutent alors un nouveau bassiste, Steve Diggle et un batteur, John Maher, afin d'assurer leur second concert, le 20 juillet, en première partie des Sex Pistols qu'ils ont de nouveau invités à jouer au même endroit. Slaughter & The Dogs, autre groupe de Manchester, joue en tout début de soirée.

Buzzcocks - Breakdown



Après plusieurs dates à Londres dont le premier véritable festival punk qui a lieu au 100 Club le 21 septembre, ils enregistrent une dizaine de démos en octobre, très vite disponibles grâce au bootleg Time's Up (officialisé depuis).

Buzzcocks - You Tear me Up


En Décembre, retour en studio pour y enregistrer et mixer en une seule journée les 4 titres du EP auto-financés Spiral Scratch qui contient entre autre l'hymne Boredom. Ce 4 titres totalement auto-produit est considéré aujourd'hui comme l'un des symboles du punk D.I.Y (Do It Yourself : fais le toi-même). Il s'agit de la dernière session avec Howard Devoto qui s'en va au début de l'année suivante (il formera son groupe Magazine environ un an après). Pete Shelley devient alors guitariste chanteur, Steve Diggle, guitariste et Garth Davies revient quelques mois à son poste de bassiste avant de se faire virer en fin d'année pour être remplacé par Steve Garvey.

Buzzcocks - Boredom



C'est cette formation qui enregistre l'album Another Music In A Different Kitchen ainsi que les deux suivants. Considéré parfois comme le précurseur de la power-pop, ce disque est magnifique de puissance et de mélodies. Un monument, comme le suivant, Love Bites, que certains aiment moins, mais qui est tout aussi efficace.

Buzzcocks - Fast Cars



A peu près en même temps sort le single Promises / Lipstick. Ceux qui y ont tendu une oreille attentive se sont probablement rendu compte que la face B contient une partie de guitare identique à Shot By Both Sides de Magazine. Normal, il s'agit d'une ébauche travaillée par Shelley et Devoto aux débuts du groupe, chacun l'ayant ensuite reprise à son compte.

Buzzcocks - Lipstick



Magazine - Shot By Both Sides



Le troisième album A Different Kind Of Tension est du même niveau mais malheureusement en 1979 la fête est finie, la presse a les yeux tournés vers l'after punk, la «Cold», appelons ça comme on veut, et le disque est un peu zappé. C'est dommage car il contient lui aussi des pépites, Hollow Inside, I Believe, Mad Mad Judy, You Say You Don't Love Me et bien d'autres.


En cette année 1979, le groupe est fatigué, déçu par les critiques, on peut lire ici et là que les premières parties lui volent la vedette, qu'il est en perte de vitesse etc. Il est temps de se poser et de prendre du recul. Début 1981, quelques démos sont mises en boîte dont No Friend Of Mine (disponible sur «Chronology») en vue d'un prochain LP, mais rien n'y fait, Buzzcocks jette l'éponge au cour de la même année. Pete Shelley part en solo, Maher et Diggle forment Flag Of Convenience et Garvey collabore avec chacun d'eux, sur leurs différents projets, avant de monter son groupe, Motivation qu'il quitte quelques années après. Les 80's vont être une traversée du désert, le succès ne venant ni pour les uns ni pour les autres, Buzzcocks se reforme en 1989 et fait humblement les premières parties de Nirvana au début des années 90, période durant laquelle ne sortent quasiment que des best-of et des disques Live pour alimenter le commerce. Garvey et Maher s'en vont définitivement en 1992.

Nouveau line-up et nouvel album, Trade Test Transmissions qui sort en 1993. Shelley et Diggle sont toujours de la partie, accompagnés du batteur Phil Barker et du bassiste Tony Barber qui a joué entre autres avec Chelsea, Alternative TV et les Ex-Pistols, une parodie de groupe créée par l'ancien sonorisateur des Sex Pistols, Dave Goodman, dans laquelle Barber tient le rôle de «Rotten Johnny». Tout un programme...

Buzzcocks - Trade Test Transmission



Vingt ans après Spiral Scratch et la première partie des Sex Pistols à Manchester, ces derniers rendent l'invitation, Buzzcocks ouvre à nouveau pour eux lors d'un concert à Finsbury Park. La même année sort All Set, nouvel album studio dans la pure veine punk/power-pop du groupe.

Modern arrive dans les bacs trois ans plus tard. Disque en demi teinte sur lequel des choses ont été tentées, des rythmes, des sons, et même si le résultat n'est pas exceptionnel Buzzcocks reste Buzzcocks avec son style bien à lui, ce punk mêlé de pop qui vous rentre dans la tête et n'en ressort plus :

Buzzcocks - Thunder of hearts



2003, changement de label, signature avec Cherry Red qui fait les choses bien. Le 12 titres «Buzzcocks» est disponible en CD et LP, et deux singles magiques en sont extraits, Jerk et Sick City Sometimes chacun en vinyl couleur avec titres inédits en face B, du très bon travail. Tournée promo, première partie de Pearl Jam, toujours avec cette humilité qui caractérise le groupe, et sortie du DVD Live at Shepherds Bush Empire 2003, un document vivement conseillé.

Buzzcocks - Diving you Insane - Live



2006, encore un changement de label, nouvelle tournée et huitième album studio, Flat-Pack Philosophy avec une fois encore, un hymne, Sell You Everything, puis, l'année d'après, l'album live 30, sur le même label 'Cooking Vinyl Records'.

Buzzcocks - Sell You everything




Les trois premiers albums sont réédités en double CD en 2010. Chacun est accompagné de faces B, démos, Peel sessions etc. L'occasion de concerts absolument magiques au cours desquels ne sont joués que les titres de 76 à 79, singles et b-sides compris. Malgré le poids des ans, Shelley et Diggle sont encore en pleine forme et les chansons sont jouées à la perfection.

Buzzcocks - What do I Get



L'année 2012 voit le retour d'Howard Devoto, Steve Garvey et John Maher pour quelques dates intitulées Back To Front où les vieux complices rejouent le EP Spiral Scratch ainsi que les premiers albums dans l'ordre chronologique de sortie. Au début du concert, Pete Shelley joue sur la même guitare qu'en 1976.

Buzzcocks - Spiral Scratch


Le dernier album The Way, date de 2014. Un bijou comme Buzzcocks sait le faire, la preuve ici:



Aujourd'hui, le groupe est toujours actif, une tournée a lieu cette année, débutée aux USA en avril, elle passe par le Mexique, l'Angleterre, l'Ecosse et à Belfast au mois d'Août 2018.

En conclusion, rappelons que Mark E. Smith (The Fall), Ian Curtis, Peter Hook, Bernard Sumner (Warsaw/Joy Division/New Order), Tony Wilson (Factory Records), Steven Morrissey (The Smiths) étaient au Lesser Free Trade Hall en Juin et Juillet 76, et tous sont d'accord pour dire que les concerts organisés par Howard Devoto et Pete Shelley leur ont donné l'envie de monter un groupe, fonder un label, faire des choses. «It's The Buzz, Cock »


Fernand Naudin



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